Cyrille de Lasteyrie : Désintoxiqué de Twitter chez les moines

11 octobre 2012

Cyrille de Lasteyrie

 Créateur de la société de production Story Circus, il est aussi Vinvin, un blogueur addict aux réseaux sociaux. Au point de ressentir le besoin urgent de débrancher… Pas si simple.

Prenez un homme ultraconnecté (c’est moi), dans la force de l’âge (41 ans), ôtez-lui ses jouets (iPhone, iPad, iPod, iMac), débranchez-le (Facebook, Twitter, blogs) et placez-le sept jours dans le silence absolu d’une abbaye cistercienne. Précisez que cet homme ne croit plus en Dieu depuis ses 18 ans, vous obtenez des angoisses, des sueurs froides, d’énormes remises en question, des réflexions sur le sens de la vie, de la mort et du temps qui passe.
Chef d’entreprise, j’avais le disque dur en surrégime, j’étais comme un hamster courant en apnée dans sa roue. Internet avait pris le pas sur la télévision, la lecture, le cinéma et l’ensemble de mes loisirs. J’étais connecté aux réseaux sociaux plus de quatre heures par jour.
Quand j’ai dit à ma femme que je voulais « arrêter le chronomètre », elle n’a pas semblé surprise. Elle a souri et m’a dit de foncer. Foncer pour arrêter de foncer. Mais foncer où ? Je voulais le silence et la paix de l’esprit, j’ai tapé « abbaye + trappiste » sur Google – on ne se refait pas –, visité une quinzaine de sites et porté mon choix sur celle qui me semblait la plus belle.

Twitter, le journal extime
À mon arrivée, le frère hôtelier, un grand gaillard au regard bienveillant, me montre ma chambre. Un lit simple, un lavabo dont le robinet goutte, une armoire et une petite table avec une bible dessus, voilà tout le confort dont je vais profiter.
J’y suis enfin. En temps normal, j’aurais tweeté quelque chose du genre « Impression de retourner à l’armée, avec personne dans ma chambrée et l’Esprit Saint en guise de caporal-chef ». Cent huit caractères pour livrer au monde un point route tout en essayant d’être spirituel. Twitter est un journal extime, il couche sur la Toile le trajet de votre existence. S’arrêter de tweeter, c’est disparaître de la mémoire des autres. Un risque énorme quand on a peur de la mort…
Les matines sonnent au cœur de la nuit. À 3 h 20, frigorifié, j’enfile mon jean, un gros pull et traverse les couloirs silencieux. Je pousse la porte de l’église. Les moines sont tous là, agenouillés dans l’obscurité comme des fantômes. On entend à peine le bruit de leur présence. Surgissent alors les chants, ces chants grégoriens qui résonnent à l’âme comme une complainte divine. Je suis envahi par la pureté du moment, la régularité de l’émotion qui s’empare des murs obscurs, comme si quelque chose d’impalpable nous unissait dans une onde parfaite.
Dès mon arrivée, le frère hôtelier m’avait glissé : « Si vous voulez parler à un moine, c’est possible. » J’ai mis cinq jours à me décider. Peur qu’on me demande de me confesser, de dire que je ne crois pas vraiment en Dieu… Finalement, je rencontre frère H. Même âge que moi, un sourire radieux, des yeux qui pétillent, le bonheur surgissant de tous les traits de son visage.

La mort a rétréci
Je veux réussir à saisir son engagement. Est-ce qu’il doute ? Non. Est-ce qu’il est heureux ? Oui. Est-ce qu’il connaît le résultat de la finale de la coupe de France, PSG-Lille. Il rit, mais dit que non. Pas de télé, pas de radio, pas de distractions. La distraction l’éloigne du recueillement. Je me rends compte que je ne vis QUE dans la distraction. Je suis dans le bruit, l’ego, le temps réel. Il est dans la concentration, la beauté, la générosité, l’éternité. Nous vivons sur deux planètes opposées…
Je pourrais décrire chaque minute de cette semaine passée à l’abbaye.
Le jour de mon départ, je rallume mon iPhone. Je me connecte sur Internet et apprends que Lille a battu le PSG, et DSK une femme de chambre. Back in business. Mais dans ma valise, la mort a rétréci, le sacré a pris sa place et je m’aime à nouveau. Quelques jours plus tard, le postier dépose un colis. Frère H. m’envoie deux livres et un mot. Il pense à moi, prie pour moi, il veut que je n’oublie pas ces moments de grâce vécus chez eux. Je suis ému comme un enfant. Quelque chose me dit que je retournerai marcher dans les allées de cette abbaye.

 

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