Grands-parents : l’art de transmettre

13 juin 2012

Un grand-père et sa petite-fille attablés, buvant une boisson à la paille en se regardant

Famille. Alors que les moyens de communication nous permettent d’être informés dans l’instant, la transmission semble en crise. Dans beaucoup de familles éclatées, recomposées, les grands-parents peuvent-ils encore risquer la transmission ? Quel est leur rôle ?

Madeleine Natanson

 Psychothérapeute, psychanalyste, elle reçoit des enfants, des adolescents et des adultes. Elle est docteur en sciences de l’éducation. Elle est aussi grand-mère.

Parole de sagesse

La transmission dans la Bible « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta force. Ces commandements que je te donne aujourd’hui resteront dans ton coeur. Tu les rediras à tes fils, tu les répéteras sans cesse, à la maison ou en voyage, que tu sois couché ou que tu sois levé. » Deutéronome 6, 6.

Deux clés pour… Être grands-parents

Dans la relation avec leurs petits-enfants, les grands-parents ont un rôle particulier à jouer. Ils peuvent transmettre des idées, des manières d’être, de voir la vie…

1 Apprendre à écouter avec intérêt ses petits-enfants. Il faut parfois pour cela accomplir un effort, et pourtant, si l’on accepte de s’étonner plutôt que de trop vite s’indigner, cela permet de garder le contact. C’est, je crois, un premier pas pour susciter à l’inverse un étonnement et un intérêt de nos petits-enfants pour ce que nous pourrons dire. C’est parfois aussi à un moment inattendu que surgit une grave question : « Dis-moi pourquoi on n’est jamais demain », dit un enfant de trois ans, tout en balançant un petit canard dans son bain. Bien des philosophes ont écrit des traités sur le temps et on voit qu’un enfant n’attend pas d’être devenu assez grand pour se poser cette question-là ! Le grand-père ou la grand-mère ne doivent pas esquiver, mais parler de la vie, de la succession des générations, avec un vocabulaire simple. Il faut prendre au sérieux toutes les questions en quête de transmission, tout en reconnaissant que nous ne savons pas tout mais que « je ne sais pas » ouvre à la recherche ensemble. Le « je sais » péremptoire au contraire risque de la clore. Mieux vaut donc dire nos ignorances pour ouvrir un espace de discussion ; offrir des instants privilégiés, sans « endoctrinement », mais dans la des symboles contenus dans certains textes et parfois partager l’émotion. Se rappeler que la voix aimée des grands-parents est propice au développement psychique et
spirituel de l’enfant.

2 Jouer ensemble. Le jeu libre, où s’exerce l’imaginaire, correspond à ce que la langue anglaise désigne par le mot
« play ». Il peut être partagé dans le « c’est comme si j’étais », et puis « c’est comme si on serait », et alors fusent les propositions pour se projeter dans un autre monde, dans un autre âge, etc. Et les questions suivent souvent dans les rires ou dans le sérieux ! Mais les grands-parents sont aussi appelés à transmettre une autre forme de jeu, le jeu à règles, le jeu où il faut accepter de gagner sans triomphalisme écrasant ou de perdre sans larmes ni colère ! Ce n’est pas toujours le cas au début. C’est difficile en effet de savoir être un « bon perdant » et même d’en rire.
À un de ses cousins plus jeune, et qui avait mal encaissé de perdre, Pierre déclare : « Tu sais ici, chez les grands-parents, en jouant avec eux, on a appris à perdre en rigolant ! » Le jeu est sans doute une clé pour faire place à l’autre, accepter que l’autre puisse réussir et que je perde, ne pas dramatiser
cette perte, ne pas avoir besoin, comme l’a dit un jour un grand-père, « que l’autre soit mauvais pour se sentir bon ». Viendra ensuite le temps des jeux où l’investissement intellectuel est source de plaisir gratuit : les échecs, certains jeux de cartes, le Scrabble, bien utile pour transmettre discrètement quelques règles d’orthographe. À l’intérieur des règles acceptées par tous et qui limitent et protègent, se déploient l’humour, le langage commun, certains rites familiaux qui contribuent à structurer la personnalité de chacun dans le tronc familial commun de l’amour partagé, où « chacun en a sa part et tous l’ont tout entier » (Victor Hugo).

LEXIQUE

Garder: « J’aime bien quand c’est toi qui nous gardes », dit Luc à sa grand-mère, très heureuse de partager cette joie avec lui. La « garde » des enfants est un souci pour les parents qui veulent que leurs enfants soient bien gardés. Le mot « garde » a bien des sens, de la garde-malade au gardien de prison. Il peut s’agir de conserver, de préserver mais aussi de protéger, surveiller, contrôler. Garder, mais sortir cependant, afin de semer des paroles de transmission : « Le semeur est sorti pour semer. » Nous savons que toutes les graines ne pousseront pas, que certaines seront étouffées, d’autres desséchées, mais le semeur sortira de nouveau pour semer la graine gardée.

« C’est bon d’avoir une épaule pour pleurer » À l’adolescence, Claude a été profondément marqué par le divorce de ses parents. C’est chez ses grands-parents qu’il s’est reconstruit.

Quand ses parents se sont séparés Claude (16 ans) a demandé à venir quelque temps chez ses grands parents. Là, dans un climat de confiance, de calme, sans jugement porté sur la situation de ses parents de la part de ses grands-parents, il a entrepris un travail de recherche. Il a enregistré toute l’histoire de sa famille, racontée et commentée par ses grands parents, comme si, avec l’épreuve qu’il traversait, et pour continuer sa route, réussir ses études universitaires, il avait besoin d’un appui sur son histoire et les valeurs de la transmission. Cela suppose de la part des grands-parents un respect de l’un et l’autre des parents : ils doivent s’interdire tout jugement sur la situation et les conflits, mais entendre la souffrance de leurs petits-enfants et leur dire que non seulement ils ne sont pas « coupables » de la mésentente, mais qu’ils sont, eux, la réussite de leurs parents. Même si ceux-ci n’ont pu continuer à vivre ensemble, ils sont nés de leur amour et ils ont droit d’être bien avec leur père et avec leur mère. C’est ce témoignage de compréhension qui aidera Claude à passer le moment difficile qu’il traverse et le calme dans la maison de ses grands parents pourra l’y aider. « C’est bon d’avoir une épaule de grand-mère pour pleurer quelquefois », a témoigné Claude.

Pour aller plus loin :

AUJOURD’HUI LES GRANDS PARENTS, SUR LE CHEMIN DE LA TRANSMISSION, Madeleine Natanson, De Boeck, 2011

RISQUER LA TRANSMISSION, Jacques et Madeleine Natanson, Desclée de Brouwer, 2004

ET COMMENT VA LA FAMILLE ?, Nicole Fabre et Madeleine Natanson, De Boeck, 2008

Grands-parrains et petits-filleuls : www.chez.com/grandsparrains

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