Que cache vraiment le Vatican ?

18 octobre 2011

père Nicolas Steeves

Controverse. Richesses immenses, pouvoir politique influent, archives secrètes, archaïsmes, etc. Le Vatican fait l’objet de rumeurs, intrigue, voire scandalise mais ne laisse pas indifférent. Quelles réalités se cachent derrière cet État pas comme les autres ?

Débat entre Lili Sans-gêne et le père Nicolas Steeves, sj.
Nicolas Steeves, jésuite, connaît bien le Vatican. Il a été ordonné prêtre en juillet. Il est aussi diplômé d’HEC et ancien avocat au barreau de Paris. Il poursuit un doctorat en théologie fondamentale au Centre Sèvres-Facultés jésuites de Paris.

 

1 L’Église prétend être une institution spirituelle, alors qu’en réalité, c’est un État : derrière les hauts murs qui enser­rent le Vatican, se cache une puissance mondiale financière et politique de premier plan. Il a des informateurs dans le monde entier et une grande influence politique sur les affaires du monde.

Démêlons le vrai du faux. Oui, l’Église est bien une institution spirituelle : les chrétiens la croient née de la volonté de Jésus comme moyen continu de rencontrer son Esprit d’amour. Mais nous ne sommes pas de purs esprits : il nous faut du concret. Aussi l’Église, véri­table « corps pour l’Esprit », est-elle « organe-isée », comme tous les corps ! Mais pourquoi lui faut-il en plus un État ? C’est d’abord histo­rique. Quand l’Empire romain s’ef­fondre au VIe siècle, l’Église perdure, seul État stable au milieu des « bar­bares ». Le pape, évêque de Rome, devient souverain des « États ponti­ficaux ». Bien plus tard, en 1870, quand l’Italie s’unifie, cet État dis­paraît. Reste le « Saint-Siège », entité non-souveraine. En 1929, naît « l’État de la Cité du Vatican ». Minuscule (44 hectares), il est cependant lié aux catholiques du monde entier et, de ce fait, reçoit plus d’informations que n’importe quels services secrets. Mais pas besoin de James Bond dans l’Église, la parois­sienne du coin peut faire remonter des choses au pape par son curé et son évêque local ! Quant à son influence politique actuelle, elle varie d’un pays à l’autre, mais globale­ment, l’Église n’est qu’une voix parmi d’autres. Le Saint-Siège n’a pas le droit de vote à l’ONU.

2 Entre ses biens immobiliers dans le monde entier – notamment la cité du Vatican – le denier du culte pré­levé auprès des milliards de catholiques : c’est bien connu, le Vatican est une des institutions les plus riches au monde !

 Savez-vous à combien se monte le budget total du Saint-Siège et de l’État du Vatican ? À 0,1 % du budget français, pour une population globale de 1,2 milliards de catholiques ! Certes, le Vatican et le Saint-Siège n’assurent pas les mêmes services qu’un État « normal ». Mais avec 240 millions d’euros annuels pour le Saint-Siège et 150 millions d’euros pour le Vatican, l’État de l’Église n’est guère riche. Bien sûr, Rome possède un patrimoine artis­tique superbe – mais il est littérale­ment inestimable. Qui achèterait le baldaquin de Saint-Pierre ? Ces biens, qu’admirent sept millions de visiteurs par an, sont sans valeur marchande. D’ailleurs, pour plus de transparence financière, le Vatican met aux normes européennes les comptes de sa « banque », l’IOR. Quant au denier du culte, il reste très largement acquis aux diocèses où il est perçu ; seule une fraction infime « part à Rome » pour restaurer les oeuvres d’art et financer la charité du pape. 

HUMOUR

À un diplomate nouvellement accrédité qui lui demandait combien de personnes travaillaient au Vatican, le pape Jean XXIII répondit : « Oh, pas plus de la moitié ! »

Extrait de Dieu est humour, Marie-Ange Pompignoli et Bernard Peyrous, Ed. de l’Emmanuel, 2007.

Le Vatican est la dernière monarchie absolue d’Eu­rope. Le Pape gouverne donc son État comme il veut, il est sans contre-pouvoir. Tout ce qu’il dit doit être accepté comme dogme par les catholiques du monde entier.

Si le pape est un « monarque absolu » sur le papier, en réalité, il n’a aucun moyen de forcer la conscience des fidèles ! L’infaillibilité papale proclamée comme dogme en 1870 n’a été uti­lisée en réalité qu’une fois : par Pie XII, en 1950, pour définir le dogme de l’Assomption de la Vierge Marie, fêtée le 15 août. Au jour le jour, le pape s’entoure d’une foule de collaborateurs, cardinaux, évêques, prêtres, religieux et laïcs, avec qui il dialogue et décide. Le Saint-Siège s’organise comme un État avec des ministères (dicastères), dont la taille est toute petite : la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le plus ancien, n’a que 25 employés, et les Archives secrètes, une dizaine. En outre, une fois par siècle environ, le pape réunit tous les évêques du monde en concile pour débattre de questions brûlantes. Il décide donc rarement seul, et pro­clame très peu de dogmes, même s’il a un enseignement dense et capital.

4 Au Vatican, seuls les clercs ont voix au chapitre : les laïcs ne peuvent rien dire.

 Dans l’histoire de l’Église, les clercs ont assez vite dirigé, mais il est faux de dire que les laïcs n’ont jamais eu voix au chapitre. Certaines abbesses de monastères (non-prêtres, donc laïques) ont eu de grands pouvoirs ! Et depuis le Concile Vatican II (1962- 65), les laïcs ont plus de place dans l’Église, même si ça n’évolue pas très vite ; l’Église est ancienne ! Si les dicastères sont dirigés de droit par des prélats, leurs numéros deux sont parfois laïcs. De même, les finances et les médias du Vatican reposent large­ment sur les laïcs. Les Académies pontificales réunissent des scienti­fiques à 95 % laïcs ; l’État du Vatican salarie à 95 % des laïcs. Il faut donc distinguer la Curie, composée surtout de clercs, et les autres services, formés de laïcs souvent autonomes.

5 Pendant la Seconde Guerre mondiale, alors que Pie XII était Pape, le Vatican, en ne disant rien sur la barbarie nazie, a cautionné ce qui se pas­sait en Allemagne… En clair, l’Église a collaboré avec les nazis, mais elle ne veut pas le reconnaître.

Pie XII a ouver­tement dénoncé le nazisme dans son radio-discours de Noël 1942. Il a déploré les violences d’une « dégradation désastreuse », notam­ment la mort de « centaines de milliers de personnes… en raison de leur origine ethnique ». Pourquoi n’a-t-il cependant pas désigné par­ticulièrement les juifs ? Par peur de représailles, comme celles qui frap­pèrent les juifs de Hollande ? Pour ne pas se distinguer des Alliés, qui n’ont rien dit non plus ? Notons que Golda Meïr, qui fut premier ministre d’Israël, salua Pie XII à sa mort en 1958 comme « serviteur de la paix ». Sa réputation fut ternie en 1963 par Hochhut, écrivain payé par le bloc de l’Est, dont Costa- Gavras s’inspira pour son film Amen. La commission mixte d’his­toriens juifs et catholiques, créée par Jean-Paul II pour clarifier tout cela, n’ayant pas abouti, on attend que s’ouvrent les archives.

6 Justement, le Vatican possède des archives gigantesques mais ne veut pas les ouvrir au public. Un tel souci du secret laisse penser qu’il a des choses à cacher…

Ces Archives secrètes n’ont que dix employés, pour une masse de documents envoyés par des milliers d’évêques et supérieurs religieux à travers le monde. On attend avec impatience l’ouverture des archives liées au pontificat de Pie XII, mais concrè­tement, le Vatican manque de moyens humains pour classer et hiérarchiser ces dossiers ! Et Benoît XVI, dans ce domaine comme dans d’autres où il y a un malaise (abus sexuels sur les mineurs de la part de clercs), montre un très grand souci de transparence.

Pour aller plus loin

LE VATICAN : DU MYTHE À LA RÉALITÉ IDÉES REÇUES SUR L’ÉTAT DE L’ÉGLISE. Nicolas Steeves, Ed. Le Cavalier bleu, 2011

FAIRE UN PAS DE PLUS

avec Découvrir Dieu

Posez-nous toutes vos questions de foi. Des personnes se tiennent disponibles pour dialoguer avec vous.

Vous souhaitez échanger avec un chrétien ou confier une intention de prière.

Trouvez une église dans votre région ou votre ville.

recevez un encouragement par semaine avec souffle

Souffle est une newsletter proposée par découvrir dieu

Vous aimez lire

Renseignez votre adresse email ci-dessous
Vous recevrez ainsi chaque mois L’1visible gratuitement dans votre boîte mail