La Bible est-elle la parole de Dieu ?

25 mars 2010

Olivier-Thomas Venard

Débat. La Bible est le livre sacré de tous les chrétiens. Pourtant, certains ne croient pas qu’elle soit la parole de Dieu, puisqu’elle a été écrite par des hommes. Alors, la Bible, inventée par les hommes ou inspirée par Dieu ? 

Par le frère Olivier-Thomas Venard, dominicain, docteur en lettres et en théologie.

1 Les textes de la Bible ont été écrits par des hommes : elle ne peut donc pas être la « parole de Dieu » !

Si on compare le monde à un théâtre, on pourrait dire que Dieu n’est pas un acteur jouant sur la même scène que les hommes, il est le metteur en scène et même le constructeur du théâtre ! Mais s’il veut se faire entendre des acteurs, il faut qu’il demande à certains d’être ses porte-parole : c’est ce qu’il fait avec les prophètes et tous les écrivains sacrés. Dieu a donc voulu passer par des écrivains humains, avec toutes leurs qualités et leurs défauts, pour faire entendre sa Parole. Elle se dit dans un ensemble de paroles humaines.

2 La Bible c’est une accumulation de textes sans trop de rapport entre eux…

Comme disent les rabbins, Dieu parle aux hommes le langage des hommes. La Bible (étymologiquement on devrait dire « Les Livres ») va de la poésie érotique au roman, en passant par la chronique historique, le mythe, le récit réaliste ou l’épopée !
Et cependant, il y a une très profonde unité dans tout cela. À la fin de l’Évangile selon saint Luc, Jésus explique aux disciples d’Emmaüs que c’est de lui que parlent la Loi, les prophètes et les psaumes, en reprenant les trois grands types de livres présents dans les Écritures. C’est un peu comme dans ces peintures où, de près, on ne voit que des taches de couleurs qui ne représentent rien, mais à une certaine distance, avec le bon point de vue, on voit évidemment un visage.
Dans toute la diversité des textes, une parole unique se fait entendre, qui dit la volonté divine de sauver chacune de ses créatures et qui révèle que sa toute-puissance, reconnue par toutes les grandes religions, n’est pas celle d’un tyran, mais d’un père qui aime profondément chacun de ses enfants.

3  Justement, si Jésus était le fils de Dieu, il aurait écrit lui-même la Bible !

Jésus est bien plus qu’un écrivain : il est le sujet de toute la Bible ! Il est celui que l’Ancien Testament attendait et que le Nouveau Testament annonce. Ce Livre est seulement un moyen pour le rencontrer et le découvrir et, à travers lui, connaître Dieu le Père, qui est la finalité ultime de toute vie.

4  Les écrits que nous possédons aujourd’hui ont été tellement réécrits qu’ils ne peuvent plus être fidèles aux écrits primitifs des premiers témoins.

Les premiers textes chrétiens écrits que nous avons, des lettres de Paul, datent de 20 ans après la mort et la résurrection du Christ. À cette époque-là, de nombreux témoins oculaires de la vie de Jésus sont encore vivants et capables de corriger des erreurs. Or dès ce moment-là, Paul cite la tradition sur Jésus qu’il a reçue, des hymnes qui sont chantées dans les assemblées de disciples… Donc, avant même ces textes très précoces, il y a des récits oraux sur Jésus Christ : ils devinrent nos Évangiles quand ils furent compilés et rédigés par écrit. Cela signifie que, du vivant même de Jésus, on a commencé à raconter sa vie et à redire ses paroles : d’ailleurs, il envoyait ses disciples préparer sa venue dans les villages où il allait prêcher. Bref, la vie de Jésus est attestée par ses disciples très rapidement.
Une telle proximité entre le ministère d’un maître fondateur d’une voie religieuse et les écrits qui parlent de lui est exceptionnelle. Dans le cas de Socrate, par exemple, les premiers textes datent d’environ 150 ans après sa mort. Plus proches de Jésus, ni le mystérieux « maître de justice » de Qumrân, ni aucun rabbin antique, même célèbre, n’a eu droit à une « biographie » à la manière des Évangiles. En fait, comme l’expliquait l’abbé Jean Carmignac, grand spécialiste des premiers textes des Évangiles et des manuscrits de Qumrân : « La profusion des manuscrits et surtout la brièveté de l’intervalle entre la composition et les plus anciennes copies que l’on possède, font du Nouveau Testament le texte le mieux attesté du monde parmi tous les écrits de l’Antiquité. »

5 Soit, mais je ne peux pas croire les Évangiles puisqu’ils ne sont même pas d’accord entre eux !

Au contraire ! Dans une enquête on est content d’avoir plusieurs témoignages différents. Si tous les témoins disent exactement pareil, c’est trop beau pour être vrai : on a tout lieu de les soupçonner de cacher quelque chose. Chaque évangéliste témoigne à sa manière du Christ, qui fait l’unité par-delà les différences. Il faut bien se rendre compte que pour l’Église, les Évangiles écrits sont simplement des aide-mémoire. Jusque vers le IIe siècle, les chrétiens préfèrent la tradition orale, les paroles vivantes des témoins, ou de témoins des témoins, plutôt que les textes. L’Église ne croit pas que Jésus est ressuscité parce que c’est écrit dans des textes ! Au contraire, des textes ont été écrits par les évangélistes parce que des témoins ont rencontré le Christ ressuscité. Les faits précèdent les textes, c’est pour cela qu’on préfère avoir plusieurs versions différentes.

6 Le fait que protestants et catholiques n’aient pas exactement la même Bible montre bien qu’elle a été créée par les hommes…  

L’Église a toujours eu conscience de recevoir les Écritures, pas de les fabriquer. À partir de la fin du IIe siècle, les évêques échangeaient entre eux les listes des Écritures qui étaient lues dans leurs Églises, et peu à peu un consensus se fit. La constitution même de « La Bible »  est ainsi inséparable de la transmission des Écritures dans la communauté concrète de l’Église. En plus, pour fabriquer une Bible,  il en fallait une autre pour la recopier : donc il y avait une sorte de continuité physique de la mémoire communautaire.
Mais avec l’invention de l’imprimerie, on a eu l’illusion que « La Bible » était un objet autonome, qui existait en dehors de la communauté qui la transmettait. Chacun crut pouvoir la juger en dehors de la Tradition, en fonction d’opinions personnelles plus ou moins légitimes dans les circonstances où elles étaient énoncées. Par exemple, Luther qui estime que la foi sauve sans les œuvres, considère que la lettre de saint Jacques – qui enseigne explicitement le contraire – ne doit pas être considérée comme les autres écrits bibliques. C’est par réaction contre cette « Bible à la carte » que l’Église catholique a redonné, au Concile de Trente (en 1546), la liste de tous les livres qu’elle tient pour inspirés – une liste qui remonte en fait aux premiers siècles.

Franck

Photographe.  Le goût du beau l’a mené à la photo. S’il a laissé tomber la foi de son enfance, Franck a gardé au fond de lui une soif d’absolu. Il sent bien que la Bible n’est pas un livre comme les autres, mais il ne croit pas qu’elle soit la parole de Dieu.

Frère Olivier-Thomas

 Ce disciple de saint Dominique vit à Jérusalem. Il se passionne pour la poésie moderne et contemporaine, l’aquarelle et le chant choral. Il est professeur de Nouveau Testament à l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem.

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