Toutes les religions se valent-elles ?

27 septembre 2010

michel santier

Controverse. Islam, christianisme, judaïsme… De nombreuses religions existent à travers le monde. Si elles présentent certains points communs, leur vision de Dieu diffère. Comment savoir si une religion « détient la vérité » plus que les autres ?

 Débat entre Anzo et Monseigneur Michel Santier

1 Être chrétien, juif, bouddhiste ou musulman, quelle importance ! Quelle que soit la religion, l’important c’est de rester tolérant vis-à-vis des autres croyances.

« Les croyants devraient s’unir dans une grande religion universelle fondée sur l’amour »

Pour les chrétiens, faire preuve d’intolérance serait contraire au message de l’Évangile. En effet, nous croyons que tous les hommes sont créés à l’image et à la ressemblance de Dieu. Mais au mot « tolérance », je préfère celui de « respect ». Regarder les autres avec respect est une attitude plus positive. Le concile Vatican II invite d’ailleurs les chrétiens à porter sur les autres croyants un « regard d’estime » et à dialoguer avec eux. Le dialogue ne se fait pas avec des systèmes mais avec des personnes. Cependant, dialoguer, ne veut pas dire gommer son identité, au contraire. Si on lisse nos différences, il n’y a plus de dialogue possible.

2  En même temps, chrétiens, musulmans et juifs, nous sommes tous frères. Nous adorons le même Dieu unique. Sur le fond, ces trois religions proposent la même chose. L’emballage diffère mais le contenu reste le même : l’amour.

Vous avez raison de dire que sur la base de l’amour du prochain, on pourrait trouver un chemin de paix. Avec le Christ, le prochain n’est plus seulement le membre de ma famille, de ma tribu, de mon pays, mais chaque être humain devient mon prochain. Sur ce terrain, nous avons tous des progrès à faire, y compris les chrétiens, pour accepter l’autre comme il est. Figurez-vous que, suite au discours mal compris de Benoît XVI à Ratisbonne sur la violence dans les religions, c’est sur ce thème de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain que pendant quatre jours, à l’initiative du Pape, un forum rassemblant 25 catholiques et 25 musulmans s’est déroulé au Vatican. Comme responsable des relations avec les autres religions, j’ai pu y participer. Et je vois bien que c’est sur le terrain de la charité concrète que nous pouvons progresser ensemble.
Pour autant, voyez-vous, le dialogue entamé ne vient pas gommer nos différences. Nous ne partageons pas la même conception d’un Dieu unique. Celle des chrétiens est en partie commune avec les juifs, même si, pour les chrétiens, le vrai visage de Dieu s’est révélé dans son fils Jésus, pour que l’homme puisse être profondément uni à Dieu. L’islam n’a pas la même conception : rien ne peut être associé à Dieu et à sa grandeur. Ce sont des conceptions irréductibles. On peut donc dialoguer, ne serait-ce que pour faire tomber les préjugés de part et d’autre ou pour avancer ensemble sur le chemin de la charité, mais sans pour autant chercher à supprimer les différences entre nos religions, sans faire du syncrétisme, c’est-à-dire, sans mélanger les religions.

3 Pourtant, on voit bien que c’est à cause de ces différences qu’il y a tant de conflits dans le monde. Qui peut prétendre détenir la vérité ? Chacun a la sienne. Au lieu de chercher à avoir raison contre l’autre, les croyants feraient mieux de s’unir dans une seule grande religion universelle fondée sur l’amour. Ce serait beaucoup plus fort et cela donnerait davantage envie de croire en Dieu.

On reproche souvent aux religions d’être la cause de toutes les guerres. Mais il faut rappeler qu’elles sont plutôt instrumentalisées au profit d’intérêts politiques, économiques et territoriaux. Derrière votre affirmation de créer une religion unique, il y a le rêve d’un monde uniforme, sans différence. La recherche de la vérité fait partie de l’expérience de l’homme. Y renoncer, ce serait renoncer à notre liberté. Mais pour la trouver, il faut que la conscience de l’homme soit éclairée. Pour nous chrétiens, la vérité n’est pas seulement un concept, mais le fruit d’une révélation. Dieu lui-même a cherché à se faire connaître, d’abord par les prophètes puis en envoyant au milieu des hommes son propre fils, Jésus Christ. Il est la plénitude de la vérité. Comme il le dit lui-même : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. » Il est le Verbe, la Parole d’amour de Dieu pour les hommes, qui prend corps. Nous ne pouvons donc pas prétendre posséder la vérité. Pour autant, nous croyons qu’il y a dans les autres religions des semences de vérité. En effet, Dieu se révèle à travers notre raison et l’homme peut accéder à la vérité, même incomplète, par sa propre intelligence.

4 Pourtant, vous prétendez bien que pour être sauvé, il faut nécessairement être baptisé : « Hors de l’Église, point de salut », dit le proverbe…

C’est une mauvaise interprétation de cette phrase. Les chrétiens croient que Dieu désire que tous les hommes soient sauvés (1 Tm 2 ; 4). Ce que nous confessons, c’est que le Christ est la seule voie de salut. Certes, l’Église, qui est le signe de la présence du Christ sur terre, est le chemin de salut privilégié. Mais sans prétendre que ce chemin soit exclusif. Comme le rappelle avec force le concile Vatican II : l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu seul connaît, la possibilité d’être associé au salut offert par Jésus Christ
(cf. Gaudium et Spes 22).

5  Dans ces conditions, à quoi bon vouloir convaincre les autres que votre religion est meilleure que les autres ? Chercher à convertir les autres, c’est non seulement ne pas les respecter dans leur croyance mais cela peut être vécu comme une forme d’agression.

Dans le dialogue que nous avons avec les musulmans, nous constatons souvent de la part des jeunes une grande fierté de leur foi. Cela n’est pas du tout incompatible avec le dialogue interreligieux : au contraire, être fier est indispensable pour pouvoir dialoguer. À nous aussi de retrouver une fierté d’être chrétien. Si on est convaincu que la plénitude de la révélation est dans le Christ, il faut souhaiter que le plus grand nombre d’hommes puissent le découvrir. Affirmer qu’il y a des semences de vérité dans les autres religions et vivre le dialogue ne nous dispense pas de l’annonce, sinon nous renoncerions à une partie de ce que nous croyons.

6 Mais comment croire au Christ quand nous voyons les chrétiens eux-mêmes tellement divisés entre eux ?

Ces divisions sont dues en partie à des différences culturelles ou à des facteurs politiques historiques. Cela ne relativise pas, bien sûr, les différences doctrinales qui sont réelles. Mais là encore, si le dialogue œcuménique peut parfois sembler très lent, il faut reconnaître que des avancées nombreuses ont pu se faire ces dernières années. La signature d’une déclaration commune entre catholiques et protestants sur la doctrine de la justification en est un bon exemple. Il faut mettre en commun les richesses et les différentes traditions d’interprétation de l’Écriture. L’objectif n’est pas de se mettre d’accord sur le plus petit dénominateur commun, mais plutôt d’approfondir notre foi commune au Christ. Marcher vers l’unité ne signifie pas marcher vers l’uniformité. Il y aura toujours des différences entre les Églises. Malgré cela, les chrétiens se regardent comme des frères. Ce qui nous unit est beaucoup plus grand que ce qui nous sépare.

Anzo

Étudiant en économie, Anzo est très partagé sur la question des religions. Il ne comprend pas pourquoi les grandes religions ne se rassemblent pas autour de ce qui les unit. Pour lui, aucune ne détient seule la vérité et mieux vaudrait prendre dans chacune ce qu’elle a de meilleur.

Mgr Michel Santier

Evêque de Créteil depuis 2007, monseigneur Santier est aussi président du Conseil pour les relations interreligieuses et les nouveaux courants religieux.

Pour aller plus loin: 

Les autres religions vues par l’Église catholique
L’Église catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions. Elle considère avec un respect sincère ces manières d’agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoiqu’elles diffèrent sous bien des rapports de ce qu’elle-même tient et propose, reflètent cependant souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes. Toutefois, elle annonce, et elle est tenue d’annoncer sans cesse, le Christ qui est « la voie, la vérité et la vie » (Jn 14, 6), dans lequel les hommes doivent trouver la plénitude de la vie religieuse et dans lequel Dieu s’est réconcilié toutes choses.  Extrait du Concile Vatican II, Nostra Aetate n°2

Foi, vérité, tolérance : Le christianisme et la rencontre des religions
Joseph Ratzinger, Parole et Silence, 2005.
Du Dieu des chrétiens et d’un ou deux autres
Rémi Brague, Flammarion.

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