Alix de Saint-André : Pour l’humour de Dieu

4 mars 2011

Alix de Saint André

 Rencontre.Titre plein d’entrain pour un livre sur la marche… qui marche : En avant, Route ! est plus qu’un succès de librairie. C’est un hymne espiègle à la volonté et à l’amitié, catho mais pas bigot. Quelques pas avec elle ?

Propos recueillis par Laurence Meurville

On l’a connue grand reporter à ELLE, chroniqueuse à Canal + et écrivain depuis 1994. Bonne vivante, fille d’un écuyer en chef du Cadre Noir de Saumur, elle n’avait pas le profil pour « faire Compostelle  ». Mais, en digne fille spirituelle de Malraux, elle s’est frottée à la condition humaine… à sa manière. Rencontre vivifiante !

Qui peut « faire Compostelle  » ?

Tout le monde ! J’étais nulle : je fumais, je buvais, je n’avais aucun entraînement pour la marche, et je ne savais même pas où situer Compostelle…

Avez-vous pu méditer ?

Impossible : on ne se retrouve pas seul sur le chemin dans le silence ! Il y avait plein de monde très bavard et très gai : ça parlait et ça rigolait beaucoup !

Un souvenir contemplatif ?

Les aubes. Comme on part très tôt, on voit l’aube se lever, c’est un grand moment… Surtout pour moi, qui étais plutôt du crépuscule !

Une difficulté ?

Mes pieds : ils avaient triplé de volume !

Pourquoi avoir fait quatre fois le chemin ?

Tous les pèlerins redoublent ! La première fois, je m’étais focalisée sur l’idée d’arriver… Mais c’était une erreur ; j’avais raté quelque chose. D’où la deuxième fois. La troisième, j’ai voulu faire le « vrai chemin », comme disent les Espagnols, c’est-à-dire partir de chez moi, à l’instar des pèlerins du Moyen-âge. Depuis le Maine-et-Loire, j’ai rejoint la route de Tours.

Et la quatrième fois ?

C’était en octobre dernier, pour l’année sainte, avec mon amie Raquel et ses compagnons du chemin de Saint-Jacques à Madrid : quelque chose de beaucoup plus court et festif !
Le chemin, c’est aussi celui de l’anti-consommation… Oui. On y trouve de petits magasins qui vendent des demi-savons et des mouchoirs en papier à l’unité. J’ai même vu des pèlerins couper la moitié de leur brosse à dent pour alléger le poids de leur sac !
Quelles sont les valeurs colportées sur le chemin ?

Tout l’inverse des valeurs matérielles de notre monde : il ne s’agit pas d’être le plus beau ni le plus riche, le plus rapide ou le mieux vêtu… Au contraire, il faut s’alléger sans cesse, au propre comme au figuré.

C’est pour cela que vous n’avez pas pris d’appareil photo ?

J’en avais pris un, la première fois, mais mon sac étant trop lourd, je l’ai renvoyé par la poste. Et j’ai appris à m’en passer. Un pèlerin a le temps d’admirer la nature mais pas de la contempler, il en est juste ébloui… Sauf quand c’est moche, car le chemin traverse aussi des autoroutes et des banlieues sinistres.
« Je suis le chemin, la vérité, la vie »(1) C’est une phrase à laquelle je n’ai pensé que très tard ! Ce qui m’a frappée, la première fois, en Espagne, c’est la présence de Jésus morts. Sur la croix ou souvent dans des cercueils, partout des Jésus morts, et des Marie debout en larmes, à qui l’on offre des fleurs. D’ailleurs, le grand chant qui unit tous les pèlerins, le Salve Regina, s’adresse à la Vierge Marie : « Notre Reine, notre mère, notre vie, notre douceur et notre espoir », cet Allô Maman Bobo du catholicisme médiéval, a été composé au Puy-en-Velay, grand sanctuaire jacquaire depuis toujours.

Et Jésus vivant ?

Jésus est le chemin, et un pèlerin, qu’il le sache ou non, qu’il y croit ou non, débouche les artères de Dieu, en admirant la nature, en aidant ses frères, et en souffrant dans son corps. Il est là au cœur du mystère de Dieu.

On vous voit régulièrement dans les médias défendre les catholiques.

Je ne défends pas les catholiques, j’essaie de les expliquer ! Le public n’a plus les clefs pour comprendre ce qu’il reconnaît souvent pourtant comme sa propre religion : il n’y a pas eu de transmission. Il est hallucinant de constater à quel point des gens très cultivés peuvent ne rien connaître au christianisme. Et s’assumer catho, aujourd’hui, c’est plutôt provocateur.
Vous confessez être mal à l’aise au milieu des cathos… Sauf avec les moines et les moniales ! Je ne sais pas toujours si je crois en Dieu mais je suis sûre, au moins, qu’eux y croient ! En plus, ils sont très joyeux : ils ont le sourire, pieds nus dans leurs sandales, et leurs liturgies sont magnifiques. À Paris, j’allais autrefois me ressourcer à l’église Saint-Gervais, où sont les fraternités monastiques de Jérusalem.

Pourtant, vous avez assassiné des religieuses !

Et comment ! Dans mon premier roman, un polar, L’Ange et le réservoir de liquide à freins. Je me vengeais d’années de collège en province dans un établissement rempli de bonnes sœurs idiotes et radines qui étaient un vrai contre-exemple de la religion qu’elles enseignaient. Ça existe aussi, hélas ! Notez quand-même que le héros est un abbé africain, un Béninois, éminent latiniste, qui résout l’énigme avec l’aide d’un ange.

Un ange a veillé sur vous enfant.

Une sainte, plutôt ! Ma sœur et moi avons été élevées, en plus de nos parents, par une femme formidable, notre nounou. J’ai écrit un livre sur elle, Ma Nanie, juste après un roman sur les grands hommes, Papa est au Panthéon. Car ces grands hommes au parcours si éclatant avaient des vies privées cauchemardesques : je ne souhaite à personne d’appartenir à la famille d’une célébrité ! Ma nanie, c’est tout le contraire. Elle n’a pas eu un destin extraordinaire, ni professionnel ni familial, elle était handicapée et sans enfant, mais c’était une femme merveilleuse qui a vraiment réussi sa vie.

Vous préférez être un ange ou une pèlerine ?

Une pèlerine avec des ailes ! J’ai toujours rêvé de voler. Quand on aura un corps glorieux, si l’on y arrive un jour, on pourra, j’en suis sûre !
1 : Évangile de saint Jean, 14, 6.[/toggle]

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