Jean Piat : Qui va Piat, va sano !

24 février 2014

piat

Il joue actuellement dans Ensemble et séparément, aux côtés de Marthe Villalonga. Avec 70 ans d’exercice professionnel, Jean Piat est une cure de jouvence.

Propos recueillis par Magali Germain.

Très simplement assis à son bureau occupé à ouvrir le courrier, Jean Piat nous reçoit chez lui. Derrière la décontraction de l’homme privé perce l’art déclamatoire de l’homme de théâtre. L’acteur joue de bonne grâce le jeu de l’interview. Avec le sens du verbe, mais aussi de l’exigence spirituelle. Pour apprécier en haute fidélité ses réparties, on se remet dans l’oreille la voix solennelle du narrateur de la cinescénie du Puy-du-Fou ou celle d’Oscar dans le Roi Lion. C’est lui, c’est elle, cette voix de légende qui nous a tous marqués.

Comment défiez-vous le temps ?

Je ne m’en occupe pas. Le temps passe. C’est son métier de passer. Nous passons aussi. Je ne le ressens pas. J’en ressens les méfaits, ça, c’est autre chose. Sur le plan physique…

Vieillir ? Pour un acteur, est-ce tragique ?

Non. C’est emmerdant comme pour tout le monde. De toute façon c’est une loi naturelle, donc il faut s’y soumettre. J’en ai quatre-vingt-dix. Là, (il touche son front) ça fonctionne à peu près même si les jambes ont plus de difficulté. C’est fait ainsi. On appartient à la nature. Les arbres naissent, les fleurs aussi, elles se dessèchent, les arbres tombent.

De quoi parle Ensemble et séparément ?

C’est l’histoire d’une rencontre improbable, celle d’un homme et d’une femme d’âge que tout oppose. Peu à peu l’amitié, le regard de l’un sur l’autre, l’intérêt que l’un éprouve pour l’autre et l’autre pour l’un, tout ça fait que petit à petit ça progresse et qu’ils arrivent à se rencontrer. Ils se retrouvent. Et comme ils ont des âges rapprochés ils se retrouvent sur des chemins identiques. Le hasard a bien fait les choses.

Né en 1924, appréciez-vous l’époque actuelle ?

Elle ne correspond pas du tout à ce que j’ai connu. Il y a des instants où je ne comprends plus très bien ce qui se passe. Cette espèce… comment vous dire ? entre un excès de bonté et d’attention et un mépris total de l’autre.

Pourriez-vous vous sentir dépassé ?

Tous les êtres humains ont été dépassés à un moment donné par l’époque dans laquelle ils étaient contraints de continuer à vivre.

Et au progrès technologique…

Nous sommes dans un siècle prodigieux de communication, mais il y a une déshumanisation des rapports entre les êtres qui est assez prodigieuse aussi.

Votre plus grand rôle.

Pouvoir apporter quelque chose à quelqu’un. Je n’ai aucune vanité, aucune prétention intellectuelle. Je n’ai qu’un souci, c’est de plaire, comme disait Molière. Nous artistes, nous sommes au service de la joie des autres. C’est pour moi l’essentiel.

Et sur l’oreiller ?

Il m’arrive la nuit quand je ne dors pas de m’adresser aux saints que j’aime bien. Et je dors ! Je vous livre le truc. Si vous n’arrivez pas à dormir, téléphonez à vos saints que vous aimez bien…

Vous avez dit il y a longtemps : « Si on me disait de cracher sur la Croix, je ne le ferais pas, même s’il y avait une balle dans la tête qui s’ensuive. »

Oui, je ne le ferais pas. Je ne vois pas pourquoi j’accepterais de cracher sur un symbole qui est évident. C’est une grande histoire, l’histoire du Christ. Je crois que les racines sont fortes. En Europe et en France, les racines sont des racines chrétiennes. Quelles que soient les idéologies qui surgissent, l’Europe est née sous le signe de la croix. Moi, quand je partais pour une composition à l’école, mon père me faisait une croix sur le front. J’avais 12, 13 ou 15 ans. Il m’en reste une obligation d’honnêteté, si vous voulez.

Dieu a-t-il de la répartie ?

On l’attend toujours, puisqu’on prie…

La foi ?

Ça aide. Vous savez, il y a une réplique à ce propos dans la pièce que je joue. « Quand on voit la mort arriver, on a l’impression que le mur se rapproche… » Et quelqu’un dit : « Non pas le mur, le pont ! »

La Vierge Marie, plus qu’une simple connaissance ?

C’est ma mère en toutes sortes de choses. Il m’arrive souvent de lui parler.

Vous répond-elle ?

Oui, je pense qu’elle m’a répondu. Je n’ai pas de faits à vous citer, mais je le crois.

Aimez-vous autant le silence que les mots ?

Oui, je sais vivre dans le silence. J’ai fait une expérience un jour. Relativement courte, je ne suis resté que vingt-quatre heures. Je suis allé à Font-
Gombault. Qui est un monastère. Je suis resté dans le silence. Il faisait un froid de canard, c’était l’hiver, j’assistais aux offices en gardant mon pyjama sous mes vêtements tellement j’avais froid. En dehors du froid, l’expérience fut très étonnante.

La vie de ces moines vous a-t-elle plu ?

Les moines et les religieux, c’est extraordinaire. Consacrer sa vie à la prière, c’est exceptionnel. C’est une conviction étonnante, or ça existe. Si ça existe, c’est qu’il y a une correspondance avec quelque chose, une relation avec Dieu.

Et vous ? Vous arrive-t-il de prier ?

Oui, ça m’arrive parce que j’ai besoin d’aide. L’aide ne nous est pas toujours apportée par un ordinateur, un monsieur ou une dame qui vous donne un coup de main. L’aide, elle est quelquefois intime, elle est intérieure. Appeler quelqu’un, prier, c’est un appel qu’on lance. Ne pas le faire, c’est peut-être une erreur. Il vaut mieux prier que ne pas prier.

Une messe sublime ?

J’ai assisté à une messe au Liban avec des gens pour lesquels la messe était une nécessité, un refuge, dans la complication politique et militaire. Là, il y avait simplement des gens qui priaient, un prêtre qui officiait et une piété absolue.

De la messe, appréciez-vous la dramaturgie ?

Oui, mais c’est loupé. Je trouve que la messe à l’heure actuelle, c’est loupé. On oblige les prêtres à chanter des choses alors qu’ils n’ont pas la voix pour. J’aime mieux une messe basse… Je suis un homme de spectacle, que voulez-vous ! Je suis né dans le spectacle et je vis dans le spectacle depuis plus de 70 ans. J’ai eu 70 ans d’exercice professionnel le 2 janvier.

L’heure de votre mort, y pensez-vous ?

Oui, bien sûr. Je n’ai pas peur de la mort. J’ai l’impression que je vais rejoindre quelqu’un.

 

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