Barbara Hendricks : la voix sacrée

20 avril 2017

Barbara Hendricks

Rencontre. Cantatrice à la voix d’or, Barbara Hendricks aime varier les plaisirs en chantant du classique, du negro spiritual et du blues. Autant de styles de musique qui révèlent son destin hors norme.

Propos recueillis par Emmanuel Querry.

De sa stature internationale, elle ne tire pas de gloire. Barbara Hendricks sait d’où elle vient, ce qui l’a toujours poussée à s’engager pour la justice et la paix dans le monde. Cette fille de pasteur, née dans l’Arkansas au temps de la ségrégation raciale, a étudié les sciences avant d’explorer son don de soprano. À 69 ans, elle poursuit aujourd’hui cette carrière exceptionnelle qu’elle n’avait nullement présagée au départ. Dans une douce simplicité et avec son charmant accent, la chanteuse à la voix angélique nous conte son parcours teinté de foi, d’amour et d’un profond optimisme.

Barbara, dans votre dernier disque, vous chantez des lieder de Gustav Mahler, et dans le même temps vous donnez des concerts de blues. D’où vient cet éclectisme ?

Depuis quarante ans, j’ai un répertoire varié. Je n’ai jamais pu chanter que de l’opéra, j’avais besoin de faire de la musique de chambre, et plus tard du jazz ou du blues. C’est comme la cuisine, je ne peux pas manger toujours la même chose. Je suis née curieuse.

Le blues parle aussi de vos racines, vous êtes née en Arkansas et avez vécu la ségrégation raciale. Que retenez-vous de cette enfance ?

Si vous pouvez imaginer vivre dans une société où votre vie n’a pas de valeur… Vous pouviez être tué à tout moment rien que pour un sourire sur votre visage. Adolescente, je devais faire attention quand j’allais en ville. Nous étions considérés comme différents et inférieurs. Malgré cela, j’avais ma vie. Mon père était pasteur, ma mère institutrice. Je ne me disais pas tous les jours : « Oh ! mon Dieu ! je suis noire et je vis sous un tel régime ! » Car je suis quelqu’un de très positif et optimiste.

À l’époque, quels étaient vos modèles, vos espoirs ?

J’ai été témoin de la lutte pour les droits civiques. J’étais trop jeune pour y participer, mais quelle inspiration ! Comme par exemple Rosa Parks, la première femme noire à refuser de laisser sa place à un passager blanc dans un autobus. Je ne voudrais pas changer ma vie pour une autre parce que ça m’a énormément enrichie et a éveillé mon regard sur l’injustice dans le monde.

Par votre père pasteur, vous avez beaucoup fréquenté les églises…

Fréquenter n’est pas le mot, j’ai habité dans les églises ! (Rire). Notre maison était juste à côté. Quand je n’étais pas à l’école j’y passais beaucoup de temps.

… Est-ce que vous y trouviez un appui spirituel ?

Bien sûr que cela a eu un effet de chanter de la musique sacrée tous les dimanches ! C’est une musique qui m’accompagnera d’ailleurs toute ma vie. Mais c’est surtout adulte que j’ai commencé à me poser des questions sur le sens de la vie – pourquoi est-ce que j’existe ? Là, j’ai réalisé que la chose la plus importante était ma vie spirituelle. La personne que je deviens dans ma vie est plus importante qu’une carrière, que de l’argent ou des éloges.

Vous vous êtes toujours engagée pour différentes causes. Pourquoi ?

Après la lutte pour les droits civiques aux États-Unis, le droit de vote a été donné à tous et cela m’a donné quelque chose de plus important encore : ma responsabilité de citoyenne. Même si j’avais été comme ma mère institutrice, j’aurais été tout aussi active. Car je crois que si on ne prend pas ses responsabilités, on peut perdre facilement ses droits. On le voit aujourd’hui, rien n’est acquis. Ce n’est pas redonner ce que j’ai reçu, c’est donner tout court parce que c’est mon devoir.

Nous sommes dans le temps de Pâques, qu’est-ce que cela représente pour vous ?

L’histoire de la crucifixion a souvent été une source d’inspiration pour les esclaves. On le voit dans le negro spiritual. Parce que cela veut dire que malgré cette souffrance, on est libéré, on sera libéré. On a des périodes d’ombres dans la vie, mais la lumière revient toujours, ou plutôt la lumière est toujours là. C’est nous, êtres humains, qui faisons tellement de bruit, tellement de choses qu’on ne voit plus la lumière.

Quelle est la place de la prière dans votre vie ?

Tous les matins je fais une prière. Pour moi, prier, c’est réaliser que nous ne sommes pas tout-puissants. Avoir la foi, c’est être humble. Il y a énormément de choses pour lesquels j’ai de la gratitude. Ce n’est pas moi qui fais briller le soleil, qui ai mis les planètes autour. La prière m’est nécessaire, car elle me remet à ma place. Ce n’est pas par hasard que les gens prient à genoux. Car nous les êtres humains, nous pouvons être tellement arrogants ! Il y a un moment où il faut se mettre à genoux. D’abord dans la gratitude. Se dire que je fais partie de cette synergie qu’est la vie. J’ai ma part à jouer, mais tout ne tourne pas autour de moi. Ce moment d’humilité est absolument nécessaire.

Avez-vous un ou une figure sainte préférée ?

Les femmes dans la Bible et plus particulièrement dans la vie de Jésus. Elles ont une place importante dans ma spiritualité, je pense à Marie et Marie-Madeleine.

Que pensez-vous du pape François ?

Je n’ai pas eu la chance de le rencontrer, mais il y a une humilité et une attention aux gens faibles qui me touchent. Je me souviens plus particulièrement lorsqu’il a lavé les pieds de prisonniers à Pâques la première année, j’ai trouvé cela bouleversant.

Vous êtes mère de trois enfants, qu’est ce que la maternité vous a apporté ?

J’ai la chance d’avoir trois enfants qui ont suivi des chemins dont je suis fière. Être mère, et aujourd’hui grand-mère, car j’ai deux petits enfants, ça donne évidemment l’envie de continuer. On ne peut pas se dire devant les difficultés du monde qu’il faut tout arrêter. La vie se poursuit grâce à cette lumière qui est toujours là. Il n’y a pas que la haine et la guerre mais la paix et l’amour. Pour moi, être parent, c’est un privilège. Ils sont mes anges.

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