Science et foi sont-elles compatibles ?

11 janvier 2013

Valérie Paul-Boncour

Débat. « Le moyen de voir par la foi c’est de fermer les yeux à la raison », affirmait Benjamin Franklin. Une opinion partagée par beaucoup de nos contemporains. La science et la raison sont-elles irréconciliables avec la foi ?

Débat entre Lili Sans-Gêne et Valérie Paul-Boncour

1 Pour moi, croire en Dieu, c’est faire une croix sur son intelligence et sur une interprétation rationnelle des choses, parce que la science se vérifie tandis que la religion n’est que croyances invérifiables.

Oui, on a souvent tendance à vouloir opposer foi et raison. On parle de la « foi du charbonnier ». Comme Jésus a dit à saint Thomas : « Parce que tu me vois, tu crois, heureux ceux qui croient sans avoir vu », on en déduit un peu vite qu’il faudrait croire aveuglément, sans se poser de questions. Pourtant la foi chrétienne est fondée sur le témoignage des apôtres, qui ont rencontré le Christ avant et après sa résurrection. La foi est enracinée sur une relation personnelle avec le Christ et, comme toute relation humaine vraie, elle implique l’être humain tout entier, avec son corps, son cœur, sa volonté, ses sentiments, sa mémoire, son intelligence. Depuis ses débuts, l’Église n’a eu de cesse de vouloir réfléchir sur le contenu de la foi. Les dogmes sont la mise par écrit de la réflexion sur la vraie nature de Dieu et du Christ. Jean-Paul II a écrit une encyclique intitulée Foi et raison, qui commence ainsi : « La foi et la raison sont comme les deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever vers la contemplation de la vérité. »
La science est aussi recherche de la vérité, mais elle se situe sur un plan différent : elle est liée à l’observation des phénomènes du monde visible, effectuée à l’aide d’expériences reproductibles. La foi et la science se présentent comme deux chemins différents vers la vérité. La science ne répond pas directement à la question du sens, mais elle peut indirectement aider l’homme à s’interroger sur le sens de l’univers et de sa propre existence.

2 Pourtant, l’Église s’oppose à la science depuis des siècles et a toujours fait preuve d’obscurantisme ! Elle rejette les découvertes de la science, au seul motif qu’elles contrediraient ses dogmes.

Tout d’abord, il y a eu et il y a encore de nombreux scientifiques profondément croyants et qui ont su faire l’unité entre leur foi et leur travail de recherche scientifique. Par exemple : le moine Georges Mendel, qui a découvert les bases de la génétique ; Louis Pasteur, chrétien engagé, qui a mis au point le vaccin contre la rage ; l’abbé Georges Lemaitre, qui est l’un des pères de la théorie du Big Bang ; le Père Theillard de Chardin, qui a cherché à réconcilier la théorie de l’évolution et la foi chrétienne ; Xavier Le Pichon, qui a découvert la tectonique des plaques, et s’est aussi engagé dans la communauté de l’Arche, fondée par Jean Vanier, etc.
Au Vatican, de nombreux prix Nobel, croyants de religions différentes ou non-croyants, se réunissent, chaque année, dans le cadre de l’Académie pontificale des sciences, pour réfléchir ensemble sur de grandes questions scientifiques actuelles.
Loin de s’y opposer, l’Église encourage la recherche scientifique, tout en mettant en garde contre des dérives possibles sur le plan de son utilisation pratique, si elle nuit au respect de la vie humaine et de la nature. Son intervention, par rapport à la science, se situe donc surtout sur un plan moral et éthique.

3 Je pense pourtant que l’Église veut empêcher la science d’avancer, afin de garder la maîtrise sur les gens : en restant dans l’ignorance, ils sont plus facilement manipulables…

Ce type d’affirmation est bien gratuit : au contraire, l’Église a été à l’origine des universités au XIIe siècle et des écoles ouvertes à tous. De nombreuses communautés religieuses ont été pionnières dans le domaine de l’enseignement, l’ouvrant aux filles et aux plus pauvres. L’Église se sent responsable du développement intégral de l’homme sur le plan de l’intelligence, comme sur le plan humain et spirituel. La foi ne s’oppose pas à la raison, et passe par l’éducation des consciences. Le Christ n’est pas venu asservir, mais libérer l’homme du péché et de la mort : « La vérité vous rendra libre. » Si, dans certaines situations, le pouvoir politique s’est servi de l’Église pour asservir l’homme, c’est en contradiction avec l’essentiel du message chrétien : « La gloire de Dieu c’est l’homme vivant », écrivait saint Irénée.

4 Vous ne pouvez pas nier que l’Église est quand même opposée à la recherche scientifique : depuis Galilée, jusqu’à la recherche sur les embryons…

L’affaire Galilée a marqué les esprits et sert souvent de référence au débat opposant la foi et la science. En utilisant les observations faites avec sa lunette astronomique, Galilée avait confirmé le modèle héliocentrique décrit, avant lui, par le chanoine Copernic (le soleil est au centre de l’univers). Ce modèle remettait en question le modèle géocentrique (la terre est au centre de l’univers), mis en forme par le philosophe grec Ptolémée et admis comme vrai pendant plusieurs siècles. Mais ce débat, qui aurait du rester sur un plan scientifique, a vite tourné à une controverse théologique très vive entre les partisans des deux systèmes. Au point qu’en février 1616, l’Inquisition demande à Galilée d’enseigner le modèle copernicien comme une hypothèse par rapport au modèle géocentrique. Mais, en 1633, Galilée, qui vient de publier un ouvrage pro-copernicien où il se moque du modèle géocentrique, est condamné et doit prononcer une formule d’abjuration. Depuis ce temps, l’Église a bien sûr reconnu son erreur, et Galilée a été réhabilité.
En ce qui concerne les recherches sur les embryons humains, l’intervention de l’Église tient au respect de la vie humaine. Elle considère qu’un embryon humain est une vie humaine qui a commencé d’exister, et que le détruire pour faire des expériences, c’est supprimer une vie. C’est aussi une façon de chosifier l’être humain pour des raisons utilitaristes. Mais elle encourage les recherches scientifiques sur les cellules souches adultes ou celles issues du cordon ombilical et de la moelle épinière, qui, pas plus que n’importe quelle culture de tissus à des fins diagnostiques ou thérapeutiques, n’impliquent d’atteinte à la vie et à la dignité humaine, à la différence des recherches sur les cellules souches embryonnaires.

5 Je constate en fait que, plus le science avance, plus l’Église devient inutile : elle nous parle encore de la création du monde en sept jours au lieu du Big Bang, d’Adam et Ève, au lieu de l’évolution, etc. !

 Tout d’abord, soyons clairs : le livre de la Genèse, qui raconte la création du monde et celle de l’être humain, n’est pas un ouvrage scientifique. Il exprime dans un langage symbolique des vérités profondes qui se situent à un autre niveau. Notre représentation du monde a fortement évolué au cours du temps. La façon de lire et d’interpréter les textes de la Bible, en particulier la création du monde, a donc aussi évolué à la lumière des découvertes scientifiques. Mais, si on relit les textes de la Genèse dans leur contexte littéraire, il n’y a pas d’opposition avec les découvertes scientifiques. Il faut respecter les domaines propres à la Bible et à la science. On pourrait dire que la science s’intéresse au comment, et la Bible au « pour quoi », au sens profond de l’univers. Les textes de la Bible ne se substituent pas à la science, mais apportent une réponse aux grandes interrogations concernant l’homme et l’univers. On y découvre que nous tenons notre existence de Dieu, qui a créé l’homme par amour et pour faire alliance avec lui. Leurs enseignement portent sur les grandes questions qui sortent du domaine de la science : pourquoi le mal, la souffrance, la mort, etc. ?

Valérie Paul-Boncour

Ingénieur et docteur en sciences physiques, directeur de recherche au CNRS et à l’Institut de chimie et des matériaux de Paris-Est. Elle est laïque consacrée dans la communauté de l’Emmanuel.

Pour aller plus loin :

scientifique  et croyant, Valérie Paul-Boncour, et Dominique Lambert, Éd. de l’Emmanuel 2011.

Sciences, obstacles ou chemins vers Dieu ?, Philippe Quentin, Éd. de L’Emmanuel, 2008

Sciences et Théologie. Les figures d’un dialogue, D. Lambert, Bruxelles, Lessius/Presses Universitaires de Namur, 1999[/toggle]

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